Un contexte politique international compliqué et une inflation en hausse inquiètent les investisseurs qui se posent aujourd’hui beaucoup de questions. Faut-il se réfugier dans les placements sans risque ? Peut-on encore investir en immobilier avec des prix en baisse et une remontée des taux de crédits ? Est-il raisonnable de s’intéresser à la Bourse ou au non-côté ? Passage en revue de trois stratégies de placements face au risque.
Variant en fonction de son histoire et de ses connaissances financières, l’appétence au risque est propre à chaque épargnant (variant en fonction de son histoire et de ses connaissances financières), mais évolue aussi en fonction de la conjoncture. Aujourd’hui, les inquiétudes sur le contexte politico-économique incitent beaucoup d’investisseurs à se concentrer sur les placements les moins risqués. Est-ce une bonne idée ? Pas forcément. Oui, il faut détenir une épargne de précaution sécurisée et disponible. Mais il n’est pas raisonnable de se détourner pour autant de produits immobiliers et financiers, certes plus risqués, mais plus rémunérateurs (pouvant, eux, couvrir l’inflation) et bénéficiant d’amortisseurs sur le long terme.
1. LES PLACEMENTS SANS RISQUE
Epargne réglementée, livrets et comptes ou dépôts à terme bancaires, fonds en euros et obligations sont des placements sûrs où le capital est (sauf exception rarissime, pour les deux derniers cités) garanti. La remontée de 2 % à 3 %, le 1er février dernier , du taux de rémunération du Livret A et du Livret de développement durable et solidaire (LDDS) a provoqué une véritable ruée vers l’épargne garantie par l’Etat.
« Avec la baisse des taux de l’épargne réglementée (0,5 % en 2020) et l’absence d’inflation, les ménages avaient laissé de plus en plus d’argent sur leurs comptes courants, note Philippe Crevel, directeur du Cercle de l’Epargne. En privilégiant le Livret A et le LDDS, les ménages tentent aujourd’hui de limiter les effets de l’inflation sur leurs liquidités. » Le mot « limiter » est important puisqu’en effet, la protection n’est pas totale, le rendement réel du Livret A étant négatif d’au moins trois points face à une inflation de 6,2 % sur un an, à fin février. Dans ce domaine réglementé, liquide et sans frais, seul le Livret d’épargne populaire (réservé aux familles les plus modestes) permet de couvrir l’inflation avec son taux de rémunération de 6,1 %.
Du nouveau du côté des comptes à terme
Côté offre privée des banques, les livrets bancaires sont hors course par rapport à la rémunération des Livrets A et des LDDS car ils rapportent moins de 1 % en général, hors fiscalité. Certes, certains établissements affichent un taux de 3 %… mais uniquement pendant les trois premiers mois. Seul le Livret jeune (12-25 ans) atteint 3 % minimum, mais le plafond de versement est fixé à 1.600 euros.
Les dépôts (DAT) ou comptes à terme (CAT) offrent de meilleures opportunités. Absents de l’offre bancaire ces dernières années, ils reviennent en force. Il s’agit de contrats passés entre les banques et leurs clients pour rémunérer une épargne (bloquée) à un taux et pendant une durée limités, fixés à l’avance. Boursorama Banque vient, par exemple, de commercialiser un CAT (accessible à partir de 30.000 euros) rémunéré, pendant un an, à un taux de 3 % hors fiscalité (qui est la même que celle des Livrets bancaires : CSG/CRDS + impôt sur le revenu ou prélèvement forfaitaire de 30 %). Plus la somme est immobilisée longtemps, plus le taux est haut. Bon à savoir : un CAT étant un contrat entre un client et sa banque, le taux peut toujours se négocier !
À travers ses broderies méticuleuses – jusqu’à quarante heures pour un billet -, l’artiste veut « augmenter la valeur assignée à un objet par [s]on propre travail. L’argent est parfait pour cela car nous avons tous une bonne perception de ce que vaut un dollar. »Stacey Lee Webber
Fond en euros : rendements en hausse
A côté du Livret A, les fonds en euros (composés d’obligations) qui ont rémunéré, en moyenne, en 2022, entre 1,5 % et 2 %, apparaissent beaucoup moins attractifs. Cet actif de l’assurance-vie n’est toutefois pas mort. D’abord parce que le Livret A et le LDDS ne peuvent accueillir, par épargnant, qu’un versement maximal de 34.950 euros au total (hors intérêts capitalisés). Ensuite, parce que « certains assureurs se remettent à proposer des taux bonifiés », indique Frédéric Biraud, directeur général de Portzamparc (groupe BNP Paribas). En d’autres termes, ils garantissent le niveau du taux pendant toute la première année.
« Par ailleurs, les rendements augmentent, les obligations émises depuis moins d’un an rapportant davantage que les émissions précédentes. » D’après plusieurs experts, le rendement de certains fonds en euros pourrait dépasser 3 % en 2023 ; les assureurs-vie mettant tout en oeuvre pour empêcher leurs clients de déplacer leurs capitaux sur les livrets réglementés.
Si tous ces placements sans risque sont utiles pour une épargne de précaution, ils ne combattent pas l’inflation qui reste 3 % à 4 % supérieure. En clair, l’argent déposé sur ces placements se dévalorise. Il est donc déraisonnable, même dans la période actuelle, de ne s’intéresser qu’à eux et de délaisser les autres possibilités.
2. LES PLACEMENTS À RISQUE MOYEN
Accepter un minimum de risque est souvent payant pour ceux qui souhaitent booster les rendements de leurs placements. L’immobilier bien sélectionné ou l’investissement en Bourse via des enveloppes diversifiées bénéficiant d’avantages fiscaux (assurance-vie, PER) représentent un bon compromis.
Des affaires à saisir dans l’immobilier
Acheter de l’immobilier est, certes, plus compliqué aujourd’hui, compte tenu de la remontée des taux d’intérêt ; le taux d’usure (taux maximal applicable) ayant atteint 4 %, en mars, pour les prêts sur vingt ans. En parallèle, les prix de la pierre ont entamé une courbe descendante dans les grandes villes. Faut-il alors attendre que les prix baissent encore pour s’engager ? Ou acheter maintenant pour « bloquer » le taux d’intérêt de son crédit, face à une nouvelle hausse potentielle ?
« Si l’on s’était habitué à des taux d’intérêt au plancher, leur niveau reste correct aujourd’hui, tempère Patrick Chappey, cofondateur de Gererseul.com. De plus, les investisseurs peuvent amoindrir leur impact via la déductibilité fiscale (dans le régime réel) des intérêts d’emprunt. Par ailleurs, rien n’empêchera de renégocier le taux, si celui-ci redescend à l’avenir. »
S’il ne faut pas se précipiter, attendre une hypothétique importante baisse des prix peut aussi engendrer une perte d’opportunités. « Certains logements anciens notés E, F ou G dans le diagnostic de performance énergétique (DPE) – avec interdiction de location à la clé – sont bradés par des vendeurs pressés, remarque David Regin, directeur commercial de Consultim Partners. A condition de s’assurer que les travaux de rénovation qui permettront de remonter la note sont bien réalisables (avec la copropriété, notamment) et d’intégrer leur coût dans la négociation du prix, de bonnes affaires sont possibles dans le but de faire de la location meublée, dont l’attractivité s’accroît avec le statut LMNP (location meublée non professionnelle). »
« Certains types de biens sont à éviter, estime toutefois Martin Menez, président de Bevouac : les logements en soupentes, par exemple, pâtissent de la méthode de calcul de la note du DPE, et les biens des années 1970 avec des baies vitrées sur un pan de mur entier sont parfois impossibles à rénover, ne serait-ce que pour une question de coût. » Les dispositifs Denormandie, Malraux et déficit foncier peuvent efficacement contribuer à alléger le coût des travaux.
Dans le neuf, des opportunités sont aussi à saisir auprès de promoteurs ayant du stock invendu après la baisse du nombre potentiel d’emprunteurs. Inutile d’attendre les programmes « Pinel + » qui conservent les avantages fiscaux originels. Leur nombre est encore confidentiel et leurs prix plus élevés peuvent parfois annuler l’avantage fiscal supplémentaire par rapport au Pinel 2023 dont les avantages ont été revus à la baisse. L’important est toujours de sélectionner le meilleur emplacement avec les critères de dynamisme du marché locatif et de potentiel de valorisation du quartier. Immobilier : faut-il toujours croire dans les SCPI ?
Fonds diversifiés : bien doser le couple rendement/risque
Sur le plan financier, profiter des rendements plus prometteurs à long terme des actifs composant les contrats d’assurance-vie ou les Plans épargne retraite (PER) est également une solution au risque relativement maîtrisé. « La diversification s’effectue, en effet, à deux niveaux, détaille Philippe Lauzeral, directeur général de Stellium : différents types d’actifs (obligations, actions, immobilier, capital-risque…) cohabitent et, à l’intérieur de ces ensembles, différentes lignes sont détenues pour mutualiser encore le risque. » Par ailleurs, une fiscalité avantageuse (exonération d’impôt au bout de huit ans pour l’assurance-vie et versements déductibles du revenu imposable pour le PER) participe à booster le rendement final de l’opération.
Le curseur du couple rendement/risque peut être déplacé à loisir par les investisseurs, en fonction de leurs besoins : offensive au début, la stratégie peut devenir plus sécuritaire au fil du temps. Par exemple, des fonds actions peuvent, à un moment, se substituer à la poche capital-risque, eux-mêmes remplacés, à l’approche de la retraite, par des fonds en euros ou des obligations datées qui retrouvent du potentiel avec la hausse des taux.
« Le fait de rentrer progressivement sur les marchés dilue aussi le risque, ajoute Philippe Lauzeral. Le versement programmé mensuel est à privilégier. Mais même si l’on dispose d’un capital de 50.000 euros, par exemple, mieux vaut organiser une rentrée progressive sur douze mois. »
3. LES PLACEMENTS À RISQUE ÉLEVÉ
Plus l’investissement est risqué, plus haute peut être sa rémunération. Il s’agit donc, dans ce domaine où le risque de perte en capital est réel, de n’investir qu’une partie de ses liquidités, en étant prêt à les immobiliser pour une durée indéterminée.
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Des opportunités dans le non coté
Le capital-risque (non coté), qui permet des investissements dans de petites entreprises via des FIP (fonds d’investissement de proximité), FCPI (fonds commun de placement dans l’innovation) ou FCPR (fonds commun de placement à risque éventuellement logés dans un contrat d’assurance-vie), peut aussi être prospecté. Les avantages fiscaux importants, liés à la prise de risque et à une immobilisation du capital pendant une dizaine d’années, ne doivent pas faire oublier la prudence.
« Intégrer ce domaine aujourd’hui – notamment dans le secteur de l’innovation – permet de profiter d’opportunités, explique Olivier Herbout, cofondateur de Ramify. En effet, les prochaines levées de fonds devraient s’effectuer à des prix très concurrentiels, en raison des difficultés des entreprises à contracter des emprunts bancaires ou à aller en Bourse. »
« Le capital-investissement se démocratise depuis son entrée dans les contrats d’assurance-vie qui se diversifient de plus en plus, complète Marc Brière, président d’Arkéa Capital. Investir dans un FCPR via l’assurance-vie est intéressant car certaines compagnies ont commencé à en assurer la liquidité. »
Prudence sur le crowdfunding
Le financement participatif, appelé aussi crowdfunding, fait partie des actifs devenant plus risqués… dont la rémunération devrait donc s’accroître en 2023. Les projets des plateformes spécialisées dans le domaine immobilier sont les plus à risque . « Le financement de projets de marchands de biens, qui réhabilitent de l’ancien lors de chantiers plus légers et plus rapides, est un peu moins risqué que celui de promoteurs de projets neufs, pointe Bertrand Desportes, associé chez Mazars. Mais il faut tout de même être prudent car les contraintes de rénovation énergétique alourdissent considérablement les coûts… » Les plateformes intensifient elles-mêmes leur sélection, puisque seuls 15 % des projets immobiliers présentés sont dorénavant retenus, avec des prises de garanties accrues.
Cryptos : pour l’amour du risque
Enfin, les cryptomonnaies (bitcoins et autres) peuvent donner le meilleur comme le pire, symbolisant la volatilité extrême de certains actifs cotés. Après des cours très favorables en 2021, puis une brusque descente début 2022 suivie d’une remontée, les cours des cryptomonnaies viennent, à nouveau, de chuter, après la faillite de la banque américaine Silvergate , qui jouait un rôle central pour les entreprises du secteur. Un investissement à faire avec modération, donc !
Date de parution : 21 mars 2023 - Par Françoise Paoletti-Benaziez
Source : Les Echos
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